Madame la présidente, honorables membres du Comité, merci de m’avoir invité à cette réunion. C’est pour moi un privilège exceptionnel de partager le point de vue des voyageurs aériens aujourd’hui.
Air Passenger Rights est un réseau indépendant et sans but lucratif de bénévoles qui s'attachent à responsabiliser les voyageurs par le truchement de l’éducation, de la défense des intérêts, des enquêtes et des poursuites. Notre groupe Air Passenger Rights (Canada) sur Facebook compte plus de 5 000 membres.
Je suis le fondateur et coordonnateur du réseau Air Passenger Rights, qui est né de mes activités de défense des droits des voyageurs canadiens. Depuis 2008, j’ai déposé contre des transporteurs aériens 26 plaintes concernant la réglementation qui ont obtenu gain de cause; elles se rapportaient à des questions comme la responsabilité pour les bagages endommagés, les retards et les pertes de bagages, les retards et les annulations de vols, et les dédommagements pour les embarquements refusés involontaires.
Je suis ici pour émettre une mise en garde. Le projet de loi C-49:
- ne se penche pas sur la question clé du manque de respect des droits des passagers au Canada;
- ne protège pas adéquatement les passagers canadiens; et
- ne respecte pas les droits prévus dans le régime de l’Union européenne.
Je couvrirai chaque point en détail.
Défaut d'application
On blâme souvent l’absence d’une mesure législative adéquate pour justifier les malheurs des passagers. C’est un mythe.
La Convention de Montréal est un traité international qui protège les passagers qui voyagent à l’étranger.
- Dommages, retards et perte de bagages 1 957 $
- Retards des passagers 8 122 $.
- Blessures ou décès 195 700$.
La Convention de Montréal s’inscrit dans la Loi sur le transport aérien et a force de loi au Canada.
Le Canada exige aussi des transporteurs aériens qu’ils énoncent les conditions de voyage en langage clair dans un soi-disant tarif. Le défaut pour un transporteur aérien d’appliquer les conditions du tarif est
- passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 $ et
- constitue une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Par conséquent, les lois, les règlements et les décisions réglementaires existantes pourraient offrir une protection appréciable aux passagers canadiens si seulement ils étaient appliqués par l’organisme de réglementation, l’Office des transports du Canada.
L’ennui, c’est que l’Office a renoncé à son devoir d’appliquer la loi.
Plaintes contre les compagnies aériennes
Mesures d’exécutions par l’Office
La Cour fédérale d’appel a aussi critiqué l’Office. Dans un jugement de 2016, le juge de Montigny a conclu:
[...] l'Office a commis une erreur en [...] ce faisant, non seulement il n'a pas tenu compte du libellé de la Loi, mais il a aussi fait fi de son objectif et de son intention. [...] le rôle de l'Office est [...] aussi de veiller à ce que les politiques du législateur soient appliquées.
Il ne fait aucun doute que ces lois peuvent être améliorées, et nous estimons qu’elles devraient l’être. Cependant, sans application, la loi ne restera qu’un libellé.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-49 ne fait rien pour remédier à la situation.
Lacunes du projet de loi C-49
Le projet de loi C-49 accuse de nombreuses lacunes majeures. Il omet complètement des secteurs importants de la protection des passagers et mine les droits existants dans d’autres secteurs.
Premièrement, il ne crée pas de mécanisme d’application et ne prévoit pas la moindre conséquence financière pour les transporteurs aériens qui enfreignent les règles, qui désobéissent aux règles établies. Par conséquent, le non-respect des règles reste l’option la plus profitable pour eux.
Deuxièmement, le projet de loi n’offre aucune protection aux passagers les plus vulnérables: les enfants voyageant seuls et les personnes handicapées.
Troisièmement, il nuit aux groupes de défense dans leurs efforts pour protéger les droits des passagers en interdisant la plupart des plaintes préventives qui visent une intervention avant que quelqu’un ne puisse être lésé. J'ai eu gain de cause dans les 26 plaintes que j'ai déposées et dont j'ai parlé plus tôt à une exception près, et ces plaintes étaient à caractère préventif. Je n'ai pas personnellement été touché, mais les pratiques que j'ai remises en doute étaient manifestement néfastes, et les autorités l'ont reconnu.
Nous recommandons que le Comité retire le nouvel article 67.3 du projet de loi.
Incapacité à protéger les passagers canadiens
Quatrièmement, contrairement à ce que les représentants de Transports Canada vous ont dit lors de leur témoignage, le projet de loi C-49 ne fournit pas une protection comparable à ce que prévoit le régime de l'Union européenne.
- Dans le cas des défaillances mécaniques, qui sont monnaie courante, le projet de loi propose en fait de désengager les transporteurs aériens de l'obligation d’indemniser les passagers pour les désagréments causés. C'est brillamment caché au nouveau sous-alinéa 86.11(1)b)ii).
- C'est tout le contraire que prévoit le régime de l'Union européenne. Il reconnaît que c'est la responsabilité des transporteurs aériens de veiller à un entretien adéquat de leur flotte et oblige les transporteurs aériens à indemniser les passagers pour les désagréments qu'entraînent le retard ou l'annulation d'un vol en cas de défaillance mécanique.
Nous recommandons que le Comité modifie l'alinéa 86.11(1)b) pour préciser qu'en cas de défaillance mécanique les transporteurs aériens sont tenus d'indemniser les passagers pour les désagréments que cela entraîne.
Cinquièmement, le projet de loi propose de doubler le retard acceptable sur l'aire de trafic, faisant passer la norme canadienne de 90 minutes à 3 heures.
Nous recommandons que le Comité modifie l'alinéa 86.11(1)f) en remplaçant 3 heures par 90 minutes.
Emprise réglementaire de l’Office des transports du Canada
En terminant, nous souhaitons également attirer votre attention sur certains faits troublants qui renforcent nos inquiétudes au sujet de l'impartialité et de l'intégrité de l'Office des transports du Canada.
- Avant même l'adoption du projet de loi C-49 par le Parlement et la tenue de toute consultation publique sur les règlements à venir, l'Office a déjà consulté l'IATA en ce qui a trait aux règlements qu'il devra élaborer.
- L'IATA est l'Association du transport aérien international et représente les intérêts privés de l'industrie du transport aérien.
- À titre informatif, nous en avons la preuve dans la déclaration sous serment de l'IATA présentée devant la Cour suprême du Canada; numéro de dossier 37276.
- Des passagers ont également communiqué avec nous pour nous expliquer que le personnel de l'Office leur avait tourné le dos et les avait informés sans cérémonie que le dossier relatif à leur plainte auprès de l'Office serait fermé.
- Aucune décision n'a été rendue et aucune d'ordonnance n'a été émise pour confirmer le rejet de ces plaintes; or, le personnel a fait comprendre aux demandeurs que leur plainte avait été rejetée.
- Les demandeurs n'ont pas été informés de leur droit de demander un processus d'arbitrage officiel, ou le personnel de l'Office les a dissuadés de se prévaloir de ce droit.
À notre avis, l'Office a perdu son indépendance, et l'intégrité des activités de protection des consommateurs est compromise. Les gestes de l'Office et son inaction quant à l'application de la loi ont miné la confiance du public à l'égard de l'impartialité de l'Office.
Nous recommandons que le Comité modifie le projet de loi pour transférer au ministre le pouvoir de l'Office de prendre des règlements et transférer d'autres responsabilités relatives aux droits des passagers du transport aérien à un organisme de protection des consommateurs distinct.
Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous présenter les préoccupations des passagers du transport aérien.
Nous vous avons déjà soumis un mémoire qui souligne ces préoccupations et qui présente des recommandations détaillées sur la manière de sauver le projet de loi.